Le scanner ou tomodensitométrie

 

     La tomodensitométrie, ou scanographie, est la représentation d’une image numérique créée à partir d’un ensemble de coupes d’un corps au moyen d’un ordinateur. Le principe fut exposé en 1917 par Radon qui démontra la possibilité mathématique de reconstruire des formes bi ou tridimensionnelle à partir de projections multiples mais c’est seulement grâce aux ordinateurs que la réalisation du scanner fut possible. Le premier prototype industriel fut réalisé par Hounsfield, ingénieur de la firme EMI, en 1968. Le brevet international fut déposé en 1972, année de sa première utilisation médicale. Le prix Nobel de Médecine de 1979 fut décerné à Hounsfield ainsi qu’à Cormark pour l’ensemble de leurs travaux concernant la tomodensitométrie.

 

     Nous appellerons indifféremment scanner ou tomodensitomètre l’appareil ici étudié. Tomodensitomètre est le terme exact, étymologiquement —tomo— signifie par un principe de coupes ; nous expliquerons ceci ultérieurement. Le terme scanner est un mot du langage courant pour désigner cet appareil.

 

     Alors qu’un faisceau de rayons X conventionnel traversant une structure anatomique projette sur une plaque radiographique les ombres des organes traversés en les confondant, le principe du tomodensitomètre est de choisir un plan de coupe axial, d’effectuer de multiples projections sous différents angles afin de connaître un grand nombre de facteurs tissulaires d’atténuation et de les numériser, ce qui est un avantage sur l’examen radiologique traditionnel. En effet la numérisation des images obtenues permet d’une part de transporter facilement ces informations sur un réseau d’ordinateur, d’autre part le médecin, qui examine le résultat du scanner, a la possibilité de zoomer, de mettre en relief certaines zones en effaçant d’autres zones, d’accentuer les contrastes, etc.

 

     En mettant bout à bout un grand nombre de coupes à l’aide d’un ordinateur, ce dernier a la capacité d’afficher une image tridimensionnelle du corps examiné permettant un examen médical approfondi et complet, le médecin ayant accès au moindre détail de chaque organe quelque soit sa localisation dans le corps ; avantage qu’il ne possède pas avec une simple radiographie.

 

     Nous verrons par la suite que le scanner possède un deuxième avantage sur la radiologie classique, c’est sa précision.

 


Schéma de fonctionnement d’un scanner

 

     Nous ne nous attarderons pas sur les coefficients d’atténuation en fonction des rayons X émis, qui ont été expliqués dans une partie précédente.

     La réalisation d’une image représentative de ces coefficients d’atténuation par tomodensitométrie est effectuée en trois étapes : la prise d’information par une suite de mesures, le traitement informatique des données et la représentation sur un écran des valeurs calculées.

 


Principe de la tomodensitométrie

 

 

     I) La prise d’information : le déroulement de l’examen tomodensitométrique

 

     Il existe plusieurs types de scanner, chacun différencié par la date de sa fabrication, donc par sa technologie. Nous comparerons ici deux scanner assez récent : le SOMATOM Sensation 16 de Siemens médical et le HiSpeed CT de General Electric, CT sont les initiales de «  ComputerizedTomography » ou tomographie assistée par ordinateur.

 

                
     Hispeed CT de General Electric                                                   Somatom Sensation 16 de Siemens Medical

 

     Le but de l’examen est d’effectuer un ensemble de mesures sur une fine coupe du corps à étudier de l’ordre du millimètre : 0.5mm pour le Somatom sensation 16 de Siemens mais presque 0.1mm pour le HiSpeed CT de General Electric. La précision de ces appareils est donc ici mise en évidence, cette précision permet quasiment de discerner individuellement chaque cellule de l’organisme examiné.

     Sur un plan perpendiculaire à la table sur laquelle le patient est allongé, sont disposés des centaines de détecteurs fixes de rayons X en forme d’anneau. Il y a presque un millier de détecteurs par anneau. Dans le plan de chaque anneau de détecteurs se trouve un tube émetteur de rayon X ; c’est ce dernier et seulement celui-ci, qui est mis en mouvement, les détecteurs de rayons X étant immobiles. Le tube décrit une trajectoire circulaire autour du patient en émettant en continu des rayons X.

 

 

     Pour que l’examen soit plus rapide et donc plus précis, la prise d’information se fait de façon hélicoïdale. En effet le patient doit alors rester immobile moins longtemps, et l’image obtenue est moins floue, le corps humain étant en perpétuel mouvement : respiration, battements cardiaques…

 


Scanner à prise hélicoïdale

 

     Les coupes présentent alors un certain chevauchement mais celui-ci n’affecte que très peu la qualité de l’image par rapport à la précision due à la rapidité de la méthode. Pour augmenter encore la vitesse de l’examen, les scanners les plus modernes disposent de plusieurs couples anneaux/détecteur mis côte à côte, le Sensation 16 en a 4, mais le dernier scanner de General Electric en possède 16 ! Soit d’autant de fois plus rapide pour la même tâche. Là où avec un scanner à simple anneau il aurait fallu 10 minutes, les scanners les plus récents ne mettent qu’un peu plus de 35 secondes… Cependant plus il y a d’anneaux et plus la dose de radiation doit être élevée, en effet le patient devra recevoir plus de radiations avec deux anneaux qui font une rotation que avec un anneau qui fait deux rotations ; ceci pour garder une image la plus nette possible.

 

 

                                         
Un détecteur simple                                                         
Comparaison de deux fragments d'anneaux                            
                                                                 de 1 et 16 détecteurs

 

 



Différentes utilisations des 16 détecteurs

 

     Pour une rotation complète du tube émetteur, il faut environ 0.5 secondes, soit 1, 4, ou 16 images selon le modèle. Lors de l’examen, c’est uniquement le patient qui est mis en mouvement. Ce dernier est allongé sur une table qui avance à l’intérieur du scanner ; le scanner lui-même ne bouge pas.

     Etudions de plus près le détecteur de rayon X. Les détecteurs actuellement les plus utilisés pour les applications médicales sont les détecteurs solides qui sont des compteurs à scintillation. L’appareil proprement dit (aussi appelé sonde à scintillateur) se compose d’un scintillateur, d’un photomultiplicateur et d’un préamplificateur. La sonde est reliée d’une part à une alimentation haute tension de l’ordre de 1000 à 1500 Volts et d’autre part, à une électronique de détection en relation avec l’ordinateur.

 


Schéma explicatif d'un détecteur de rayons X

 

     Le scintillateur :

     Il est constitué par un milieu solide dans lequel se déroulent deux phénomènes bien distincts :

_absorption de l’énergie du rayonnement conduisant à l’excitation des atomes du milieu
_émission de photons (scintillation) lors de la désexcitation. Le matériau est choisi de telle sorte que les photons lumineux émis se trouvent dans le spectre visible ou proche. Il doit être transparent à sa propre lumière, de plus la quantité de lumière émise est proportionnelle à l’énergie absorbée.

     Le scintillateur se comporte en définitive comme un « transformateur de rayonnement ».

 

     Le photomultiplicateur :

     Il est constitué de deux parties :

_la photocathode, proche d’une cellule photoélectrique ; elle émet des électrons lorsqu’elle est soumise à la lumière
_un dispositif multiplicateur d’électrons (dynodes). Chaque dynode, frappée par un électron, restitue à son tour plusieurs électrons, c’est un effet de multiplication .Finalement, les électrons sont recueillis sur l’anode où ils donnent naissance à une impulsion électrique.

     Le signal est ensuite amplifié, mis sous la forme d’une impulsion électrique que l’ordinateur peut comprendre. Ainsi l’impulsion électrique reçue est proportionnelle au nombre de photons qui ont frappé la photocathode, lui-même proportionnel à l’énergie absorbée dans le scintillateur.

 

 

     II) Traitement informatique des données

 

     Etant donné la quantité de calculs à effectuer pour obtenir une image en trois dimensions de l’organisme examiné, seul des ordinateurs sont capables de le faire.

     L’ordinateur a pour but de calculer les coefficients d’atténuation tissulaire pour chaque voxel. Un voxel(Volume PiCture Cel) correspond à une unité de volume, contrairement au pixel d’une image qui est une unité de surface. Pour les meilleurs scanners on peut obtenir des voxels correspondant à 1×10-3 mm3 une précision jusqu’ici inégalée en imagerie médicale.

     La vitesse du traitement informatique des données collectées est directement liée à la puissance de calcul de l’ordinateur couplé au scanner. Cette vitesse est donc dépendante des progrès technologiques de la microélectronique et ces derniers sont si rapides que le traitement informatique des données est aujourd’hui de l’ordre de quelques dizaines de secondes. Pour gagner encore quelques secondes, l’ordinateur commence à calculer les coefficients d’atténuation tissulaire dès l’obtention des premières coupes. Le principe de calcul est le suivant :

     L’ordinateur récolte pour chaque coupe фe qui est le flux entrant lié à la tension du tube émetteur, et фs qui est le flux sortant, celui mesuré par les détecteurs. Un flux correspond à une énergie qui traverse une surface. Si l’on appelle ∆x l’épaisseur commune correspondant à chaque pixel, et soit la somme des coefficients d’atténuation µi :   µ1 + µ2 + µ3

     La somme des coefficients d’atténuation est égale à l’atténuation totale.

 

 

     Comme le flux entrant, le flux sortant et le coefficient d’atténuation sont liés par la l’expression suivante avec ∆x l’épaisseur traversée :

 

     Alors on obtient la relation suivante :

     D'où :

 

     A partir des sommes précédentes, la solution mathématique consiste à résoudre un système de n équations linéaires à partir de n valeurs des sommes obtenues en projection. Tous ces calculs sont effectués par l’ordinateur qui enregistre les résultats afin d’en disposer ultérieurement pour l’examen.

 

 

     III) Affichage de l’image obtenue

 

     A un voxel, l’ordinateur attribue un pixel sur l’échelle de Hounsfield, ce même homme à qui l’ont attribue la construction du premier scanner. Ainsi une image numérique est composée d'une multitude de pixels qui correspondent à l'écran à des points. La couleur de chaque pixel dépend du coefficient d’atténuation du volume représenté.

     Etant donné que le coefficient d’atténuation dépend de l’énergie du rayon émis ainsi que de la nature du milieu, et que l’énergie est la même en tout point de la coupe ; on associe alors à chaque coefficient d’atténuation tissulaire une nuance de couleur le plus souvent du noir au blanc. C’est donc le contraste entre chaque pixel que l’œil aperçoit. Ce contraste va de l’air qui a le coefficient d’atténuation le plus faible aux os qui ont les coefficients les plus forts. L’air est représenté en noir : la couleur du fond de l’image, et les os en blanc.

     Le seul frein à la précision du scanner se trouve après l’affichage à l’écran du résultat de l’examen : c’est l’œil humain. L’oeil ne distinguant pas tous les contrastes que le scanner est capable de calculer, de l’ordre de plusieurs milliers de nuances allant du blanc au noir, il est aujourd’hui possible de colorier artificiellement les images obtenues si nécessaire. Ainsi par commodité et pour être fidèle aux couleurs réelles, les muscles auront des nuances de rouges, les graisses des nuances de jaune… Cependant la coloration des images est très peu employée, en effet les médecins n’ont que très rarement été formés à les lire, d’où leur utilisation peu courante.

     Dans la présentation la plus courante de l’image tomodensitométrique, les tissus apparaissent d’autant plus noirs qu’ils laissent passer les rayons X. Une échelle de lecture a été proposée par Hounsfield pour faciliter l’interprétation des coupes en tomodensitométrie. Composée de nombres d’autant plus élevés qu’ils correspondent à des structures plus denses, cette échelle va arbitrairement de -1000 pour l’air à +1000 pour les os denses, avec la valeur 0 pour l’eau (on peut étendre l’échelle de Hounsfield à +3000 avec des produits de contraste qui absorbent les rayons X). On admet qu’un même tissu, caractérisé par un coefficient d’atténuation µ présente la même valeur sur une telle échelle quelque soit l’appareillage utilisé.

 

                               
Talon vu par tomodensitométrie                                              Thorax vu par tomodensitométrie   


     En ce qui concerne l’image elle-même, son niveau de précision est excellent. L’ordinateur peut en effet afficher beaucoup plus de contraste que l’œil humain n’est capable de distinguer. Mais l’ordinateur garde une marge de contraste ce qui permet à celui qui regarde l’écran de les faire varier. Ainsi le médecin peut s’il le désire mettre en relief certaines zones ayant un contraste proche, c'est-à-dire des coefficients d’atténuation tissulaire proches, et ne travailler que dans cette zone ; l’ordinateur permet de aussi d’avoir accès au dossier et aux examens d’un patient quelque soit la position géographique de l’observateur, avantage considérable dans les grands hôpitaux. L’informatique n’est donc pas qu’un moyen de calcul et d’affichage ; c’est en fait un outil puissant avec de multiples possibilités qui permet aux médecins d’obtenir des renseignements précieux.

     Le scanner est donc caractérisé par sa rapidité et sa précision constamment en amélioration grâce aux progrès de l’électronique et de l’informatique. Il permet, contrairement à la radiologie conventionnelle, d’obtenir des images en trois dimensions de l’organisme pour avoir accès à la moindre cellule au milieu d’un organe, et ainsi d’avoir un diagnostique rapide et complet.

 

 

     Pour avoir un aperçu des images que l'on peut obtenir avec un scanner : CLIQUER ICI